Les Amis d’Al-Rowwad

Histoire D’une Belle Résistance

En 1998, avec un groupe d’amis j’ai fondé le centre Alrowwad pour la culture et la formation théâtrale. Alrowwad signifie les Pionniers en arabe. La création d’Alrowwad dans le camp de réfugiés d’Aida où je suis né, était dans l’esprit de créer un espace pour les enfants et les jeunes pour qu’ils puissent s’exprimer avec le théâtre, pour raconter leurs histoires et leur version de leur histoire, sans compromis et sans hypocrisie. Le théâtre est pour moi un des moyens les plus beaux, les plus sincères, les plus civilisés, profonds et non-violents pour s’exprimer, et pour construire la paix en soi d’abord, parce que si on n’est pas sincère avec soi-même, on ne peut pas être sincère avec quiconque, et qu’il est impossible de faire la paix avec quiconque si on n’a pas la paix en soi.

Les Palestiniens sont souvent sous les dictats internationaux. Ils nous dictent ce que nous pouvons faire, et ce que nous ne pouvons pas faire, qu’il n’est pas réaliste de revendiquer notre droit au retour parce que les réalités sur le terrain ne le permettent pas. Nous devons accepter et pardonner, bien que personne ne nous demande pardon, et que ni Israël ni la communauté internationale ne reconnaissent ce qu’ils ont commis contre nous, et nous devons distribuer ces pardons gratuits de toute bonté de cœur. Qui peut demander à une victime d’un viol de pardonner et dialoguer avec son violeur pendant l’acte de viol ? Quelle victime de viol peut s’habituer à un viol qui continue depuis soixante-six ans et vivre avec ?

Je crois dans ces valeurs que nous partageons comme des êtres humains. Je crois dans ces droits de l’homme qui sont nés paradoxalement pendant la même année de notre Nakba en 1948, et qui sont depuis en dégradation continue. Je crois dans la liberté, la fraternité, l’égalité, la justice, la paix, l’amour. Ces valeurs nous les partageons comme des êtres humains, qu’on soit Musulman, ou Chrétien, ou Juif ou Bouddhiste ou Hindou ou Athée ou quoi qu’on soit…ces valeurs ne sont pas élastiques. Elles ne changent point selon de nouvelles réalités sur le terrain ou du dictat d’un leader ou un autre. Ce sont l’essence de notre humanité, l’héritage que nous voulons tous laisser à nos enfants et à toutes les générations à venir. Donc, il n’y a pas de compromis sur ces valeurs… On ne peut pas dire à un peuple sous occupation qu’il faut être démocratique mais il faut voter pour celui-là et non pas pour l’autre. On ne peut pas accepter qu’on nous dicte nos priorités et ce qu’on peut faire et ce qu’on n’en peut pas faire.

L’esprit d’Alrowwad

L’esprit d’Alrowwad est basé sur l’esprit d’entrepreneuriat social. Lorsque j’ai fondé Alrowwad, j’ai dit : « Sans argent ou avec argent, on travaille ». L’idée est que chaque personne est un acteur de changement et que chaque personne est responsable. En outre, je voulais dire aussi que la cause Palestinienne est une cause politique et non pas humanitaire, que nous ne sommes pas un cas humanitaire et que nous n’attendons pas la charité ou la pitié, parce que cela est plus humiliant que l’occupation elle-même. Les Palestiniens ne sont pas pauvres parce qu’ils sont paresseux, ou qu’ils n’ont pas de ressources, mais parce qu’il y a ce système d’occupation et d’apartheid qui contrôle tout le rythme de leur vie : qui peut importer et qui peut exporter ? Avec qui peut-on se marier ? Avec qui on peut tomber amoureux ? Qui peut circuler et qui peut partir et qui peut rentrer dans le pays…
A tous ceux qui veulent nous aider et nous soutenir financièrement ou par d’autres manières : ce soutien ne doit pas être un acte de charité ou de pitié, mais un acte de partenariat actif et positif… nous soutenir pour garder notre dignité et notre humanité, soutenir nos projets et infrastructures et créer des emplois et non pas nous transformer en mendiants qui n’attendent que la charité. Comment transformer la charité ou le soutien humanitaire d’un acte passif ou même parfois négatif en un acte positif et constructif ?

Alrowwad est aussi indépendant, donc on n’est pas affilié à un parti politique ou autre, et nos priorités sont les gens et le pays et non pas les priorités des partis politiques… même si cela veut dire aussi qu’on n’aura le soutien financier de personne, mais il est important pour nous de rester intègre et sincère avec les valeurs que nous défendons.

J’ai commencé avec le théâtre, parce que pour moi le théâtre est un des moyens les plus beaux, civilisés, profonds et non-violents pour s’exprimer, pour raconter son histoire, sa version de son histoire sans hypocrisie et sans complicité avec l’injustice, sans essayer de plaire aux autres et de leur dire ce qu’ils cherchent à entendre mais vraiment ce qu’on a sur le cœur, afin de trouver la paix en soi avant de parler de la paix avec les autres. J’ai appelé cela « Belle Résistance » contre la laideur de l’occupation et sa violence. C’était un moyen pour donner la possibilité aux enfants et aux jeunes de voir d’autres manières de la résistance, un moyen pour construire la Palestine de demain ; pour que nos enfants et jeunes puissent grandir en pensant qu’ils peuvent changer le monde et créer des miracles sans avoir besoin d’un fusil pour tuer tous les autres… bien que nous ayons le droit à la résistance armée comme tout autre peuple sous occupation qui lutte pour sa liberté, pratiquement 99% des Palestiniens n’ont pas porté les armes mais ils ont résisté avec beaucoup d’autres moyens non-armés… Nous voulons que nos enfants puissent grandir, être éduqués, tomber amoureux, avoir des enfants, et créer de merveilles dans ce monde, et lorsque le temps vient, qu’ils puissent marcher à nos funérailles et nous enterrer. Nous les palestiniens, nous en avons assez d’enterrer nos enfants. Aucun parent au monde ne fait des enfants pour les voir mourir et les enterrer. Aucun parent au monde ne veut vivre le jour où il/elle va enterrer ses enfants.

C’est ainsi que toute cette philosophie et ce travail de belle résistance sont basés sur la construction de la paix en soi, pour créer des rôles modèles parmi nous… pour que nos jeunes puissent marcher dans les rues, manifester contre l’injustice en criant non pas : « Nous mourrons, nous mourrons pour que vive la Palestine ou n’importe quel autre pays », mais crier bien haut, « Nous vivons, nous vivons pour que vive la Palestine et le monde ».

Nous avons commencé avec le théâtre, puis la danse, et ensuite la photographie et la vidéo parce que nous étions souvent devant les caméras des autres. Ce sont les autres qui racontaient nos histoires et montraient nos images. C’est pour cela qu’il était important que nous soyons derrière les caméras, que nous puissions raconter notre version de notre histoire, et montrer la Palestine avec nos yeux.

J’ai établi Alrowwad dans la maison familiale où je suis né. Deux pièces de 16 mètres carrés chacune, une pièce pour les répétions de danse et théâtre, et l’autre petit à petit est devenue un centre de formation en informatique, et un noyau de bibliothèque et de cours de soutien scolaire pour les enfants qui ont des difficultés académiques. Pendant les couvre-feux et les incursions de l’armée d’occupation Israélienne, le centre se transformait aussi en clinique d’urgence, car il n’y a pas jusqu’aujourd’hui de clinique dans le camp. Pendant ces périodes difficiles, nous avons travaillé 24 heures sur 24. Avec des bénévoles locaux et internationaux, nous avons fait de cette belle résistance une manière de vie et d’espoir. Chaque personne est un acteur de changement, et personne n’a le droit de dire je ne peux rien faire, ou c’est très difficile ou désespérant. Pour moi, nous n’avons pas le luxe du désespoir, et ce n’est pas un héritage que quiconque peut être fier de laisser à ses enfants ou aux générations à venir.

Alrowwad, un centre communautaire

Pour servir la communauté et rester fidèle à ses principes et aux priorités des gens, il nous fallait travailler avec les jardins d’enfants, les écoles, et les parents spécialement les mères et les femmes. Comment renforcer le rôle de la femme dans une communauté conservatrice mais qui a aussi beaucoup de respect pour la femme ? Comment créer un environnement positif et constructif pour elles ? Nous avons pensé à donner la possibilité aux femmes de se libérer physiquement de tout le stress interne à travers le sport. Nous avons créé la première gym pour les femmes dans un camp de refugiés, et puis la première équipe de football de filles dans un camp de refugiés. Nous avons essayé aussi de créer des possibilités de travail à travers la formation à la couture et à la broderie, et puis de faire vendre les produits brodés et l’artisanat pour aider les familles à vivre dans la dignité et non pas dans l’attente de la charité. Des programmes de soutien psychologique et social, nutrition et santé, éducation et formation à l’usage d’ordinateur… tout ce que nous pouvons faire pour aider la communauté à se construire et à construire la paix en nous d’abord. Si la femme est troublée, toute la famille sera troublée. Alors, construire la paix dans la femme pour la construire dans la famille, et puis dans la communauté et dans le monde.

Le nouveau centre Alrowwad

En 2005, avec l’aide du comité populaire dans le camp d’Aida, on a eu la possibilité d’avoir des fonds pour construire un espace à nous, via l’UNDP (United Nations Development Program) financé par les Allemands (KFW). Il y a la possibilité d’une contribution de 100 mille euros à condition d’avoir le terrain. Pour cela il fallait lever des fonds pour acheter l’espace, et donc j’ai dû quitter mes emplois rémunérés pour qu’on puisse trouver le financement. Avec l’aide des amis d’Alrowwad en France et en Belgique, puis aux USA, nous avons pu acheter l’espace actuel, et finir la construction de deux étages au lieu d’un seul étage, avec 20 mille euros d’Oxfam Belgique et encore 40 mille des amis d’Alrowwad. Le rez-de-chaussée est devenu une salle à usage multiple, et au premier étage se trouvent les bureaux et le centre de soutien scolaire avec bibliothèque, ludothèque, centre informatique, deux salles de classes.

En 2009-2010, nous avons pu construire un deuxième étage grâce à l’aide des amis d’Alrowwad de Belgique, des USA et de Norvège.

Les amis d’Alrowwad, un partenariat pour le long terme

Au mois de Mai 2002, nous avons eu la visite de président d’un groupe de solidarité avec la Palestine, et qui voulait voir ce que nous faisions. Il est resté parmi nous pendant 10 jours. Il se nommait Jean-Claude PONSIN, un docteur qui a fait beaucoup dans sa vie… après être resté 10 jours chez moi, il a dit qu’il voulait travailler avec Alrowwad. J’ai été invité à faire une tournée et parler d’Alrowwad dans une dizaine de villes en France, et avant la fin de l’année 2002, nous avons créé la Société des amis du Théâtre Alrowwad en France.

Un noyau des amis d’Alrowwad en Belgique s’est allié avec les amis d’Alrowwad en France. Cette même année aussi, nous avons eu la visite d’une femme extraordinaire, qui est venue pour deux semaines à Alrowwad enseigner l’anglais et le Tai-Chi. Madame N. Farrell a fait la mission de sa vie de faire venir Alrowwad en tournée aux USA.

Ces deux personnes ont été des remarquables alliés pour Alrowwad, et puis d’autres amis se sont engagés depuis pour soutenir Alrowwad selon leurs possibilités.
Petit à petit, Alrowwad est devenu connu. Des délégations commençaient à venir nous rendre visite, ou cherchaient à construire des projets avec Alrowwad. Les amis d’Alrowwad-USA fût crée en 2009 et enregistré comme organisation caritative 501c3. Le soutien de ces amis d’Alrowwad ainsi que l’engagement d’écoles Norvégiennes grâce à l’initiative de monsieur I. Walde, directeur d’une de ces écoles a fait qu’Alrowwad a pu s’agrandir et continuer à étendre ses activités.

L’initiative norvégienne est extraordinaire. Les étudiants dans chaque école travaillent une journée de solidarité avec la Palestine chaque année. Les contributions de tous les étudiants dans les 4 écoles vont soutenir deux projets, l’un au camp de refugiés Palestiniens de Chatilla au Liban, et l’autre pour Alrowwad au camp d’Aida. Certains étudiants viennent comme bénévoles pendant l’été pour participer à nos activités, et chaque année une délégation vient voir à quoi a servi leur contribution et le projet à venir.

Les tournées d’Alrowwad - construire des ponts d’échanges comme partenaires
Lorsque les délégations internationales demandent aux Palestiniens, comment ils tolèrent tout ce qui se passe, la réponse la plus fréquente est souvent : « on s’habitue ». Pour moi, on ne peut s’habituer à l’oppression, à l’occupation et à l’humiliation au quotidien et faire comme si tout allait bien. Les tournées artistiques qu’Alrowwad effectue, grâce au soutien des amis d’Alrowwad dans les différents pays n’ont pas seulement pour but de sortir les enfants, de leur montrer des paysages touristiques et leur donner du bon temps. Il est important de voir ce qu’est un pays normal, un pays en paix, sans soldats d’occupation, sans gaz lacrymogène, libre et indépendant.

C’est aussi l’occasion de rencontrer d’autres jeunes, de se parler et d’échanger, de se regarder comme des êtres humains à part égale, de se regarder comme de potentiels partenaires et non pas comme de potentiels ennemis. C’est leur donner cette opportunité de grandir en respectant les valeurs que nous partageons comme des êtres humains et non pas de grandir en déformant ces valeurs pour marginaliser et haïr les autres. C’est l’occasion de partager cet esprit de belle résistance contre l’hypocrisie et la complicité avec l’injustice, et de changer l’image du héros sanguinaire, comme si le seul moyen de faire quoi que ce soit était de porter un fusil et de tuer tous les autres. Notre rôle est de les aider à construire un monde où chaque jour qui vient soit beaucoup mieux que le jour qui s’en va, et notre devoir est de leur laisser un meilleur héritage que celui dont nous avons hérité, et non pas de rester comme observateur et continuer à critiquer que chaque jour est pire de celui qui vient et c’est la faute aux autres, qu’on ne peut rien faire, mais c’est les autres qui doivent faire.

Alrowwad a fait plusieurs tournées artistiques avec les troupes de danse et théâtre depuis l’an 2000, en Suède, Danemark, Egypte, France, Belgique, Autriche, aux Etats-Unis et puis en Palestine évidemment.

Nous avons organisé la première tournée en France en 2003, puis 2006, 2008 et 2011 avec le soutien des amis d’Alrowwad en France. Les tournées ont eu beaucoup de succès, et Alrowwad est devenu de plus en plus connu, et sa philosophie de « belle résistance » s’est répandue. Des journalistes ont écrit, des films ont été faits, et des bénévoles de plus en plus nombreux venaient travailler à Alrowwad.

Les rêves continuent

Lorsque j’ai fondé Alrowwad avec mes amis en 1998, j’ai voulu tout simplement donner la possibilité à nos enfants de s’exprimer de la plus belle manière, de sortir de la rue, et de créer quelque chose de positif et de constructif, et leur montrer d’autres manières d’expression pour sortir tout ce qu’il y a de beau et d’humain en eux. Je ne voulais pas qu’ils soient mis dans un coin pour répondre toujours à la violence de l’occupation par la violence. Je voulais qu’ils pensent qu’ils peuvent changer le monde et créer des miracles sans besoin de se faire exploser mais en restant en vie, et que les Palestiniens qui ont maîtrisé l’art de la résistance populaire non-armée, avant même Gandhi et Martin Luther King, méritent le droit de pouvoir montrer cette autre image de la Palestine qui n’est pas souvent montrée dans les média.

Alrowwad qui a débuté en deux pièces de 16 mètres carrés occupe actuellement trois étages. Alrowwad qui a commencé avec le théâtre en créant la première troupe de théâtre professionnel d’enfants, a aussi commencé le premier programme de soutien scolaire professionnel pour enfants qui ont des difficultés académiques dans le camp d’Aida ; le premier centre sportif pour femmes dans un camp de réfugiés ; le premier festival de film en plein air en Palestine en projetant sur le mur illégal d’expansion et d’annexion, immédiatement après la construction de ce mur autour du camp de refugiés d’Aida en 2005 en blocs de ciments ; le premier festival de contes folkloriques palestiniens en Palestine ; le premier programme professionnel « Images for Life » de formation en photographie et vidéo dans un camp de réfugiés ; le premier programme de fonds pour soutenir les étudiants universitaires ; le premier programme de Belle Résistance Mobile, où on circule en minibus avec des animateurs de théâtre, danse, dessins, musique et une ludothèque mobile dans les différents camps de réfugiés, villages et villes Palestiniens, et puis le premier programme de Play bus, où nous avons commencé à fabriquer des jeux en bois pour les espaces ouverts et extérieurs, que nous installons sur les places publiques ou les terrains de jeux des jardins d’enfants ou des écoles. L’équipe d’Alrowwad anime des activités du sud d’Hébron jusqu’au Nord de Jenin dans les jardins d’enfants, les écoles, les centres de recréation pour enfants, ou les lieux marginalisées dans les villes, villages ou camps de refugiés.

Notre travail reste toujours au service de la communauté, selon nos priorités et notre agenda Palestinien et non pas pour répondre aux agendas des donateurs s’il y a conflit ; l’essentiel est toujours comment montrer cette autre image de la Palestine ? Comment garder l’espoir et répondre aux besoins de la communauté ? Comment renforcer le rôle de chaque individu comme acteur de changement en sachant qu’on ne peut pas attendre que les autres fassent le travail à notre place ? Comment renforcer et construire des partenariats avec des partenaires internationaux ? Comment construire la paix en soi pour pouvoir la construire avec le monde ?
Je garde toujours le rêve de créer cette académie de formation et formation des formateurs en art de la scène et en art visuel, le musée de l’éducation à la science, et le musée de la mémoire et de l’héritage culturel et folklorique Palestinien, et cet atelier de fabrication de jeux pour la ludothèque mobile et les ludothèques des jardins d’enfants.

L’espoir continue

Alrowwad a pu grandir en gardant son indépendance, et en restant fidèle à ses principes. Alrowwad ne s’est pas plié sous les dictats des donateurs et les programmes de normalisation avec l’occupation. Alrowwad n’a pas sollicité des fonds des USAID ou autres donateurs qui considèrent que les Palestiniens sont des terroristes. Alrowwad n’a pas fait de projets avec des Israéliens pour avoir des sous. Et cela, bien qu’il y ait eu des millions qui ont été dépensés par des donateurs pour créer des projets où enfants et jeunes Palestiniens et Israéliens font de la musique et des spectacles de danse ou de théâtre, ou même des colonies de vacances en Europe ou aux USA ou ailleurs, et où on présente à la fin, des spectacles sur scène, où tout le monde applaudit et crie « Alléluia, la paix est faite », puis chacun revient de son côté du mur, sans que cela change quoi que ce soit au niveau de l’occupation et de sa politique d’apartheid. Et bien que je reconnaisse qu’il y a quelques petits groupes d’Israéliens qui travaillent pour une paix réelle et juste, et que certains font pour la Palestine plus que certains Palestiniens, mais pour moi leur rôle n’est pas à côté de moi. Leur rôle n’est pas d’apparaître sur une photo à côté des Palestiniens pour faire plaisir à qui conque et qu’on dise « merveilleux, des Israéliens et des Palestiniens travaillent ensemble, donc tout va bien ». Le rôle de ces gens pour moi est de faire la paix chez eux, pour que les Juifs, Chrétiens et Musulmans de la Palestine de 48 aient les mêmes droits, que Jérusalem Est soit aussi desservie que Jérusalem Ouest, que ce mur d’apartheid illégal tombe et c’est à eux de le faire tomber, que ces colonies illégales disparaissent et que ces check points qui nous étouffent et qui nous empoisonnent la vie s’effacent, et que les gouvernements d’apartheid tombent… que nous soyons à pied d’égalité pour qu’enfin musulmans, chrétiens et juifs puissent vivre comme des citoyens à part égale dans un seul état en respectant les valeurs que nous partageons comme des êtres humains et les droits des individus… Mais non pas de dire que les réalités sur le terrain effacent les droits des individus et qu’il faut toujours compromettre les droits et les valeurs sinon, on va nous couper les vivres.

Nous essayons de construire la paix en nous avant de parler de la paix avec les autres. Nous voulons être intègres et honnêtes pour pouvoir l’être avec les autres. Aucune victime d’injustice ou d’occupation ne peut normaliser avec cette injustice ou cette occupation et dire qu’on s’habitue. Et pour nous, malgré la convention sioniste, malgré la déclaration Balfour le 2 Novembre 1917, malgré l’occupation en 1948 et puis en 1967, malgré les colonies illégales et le mur de séparation illégal, malgré les accord d’Oslo et les négociations stériles et leurs échecs, malgré toute la politique d’un régime d’apartheid, depuis 1948, nous disons : « On ne peut pas s’habituer… et nous continuons notre belle résistance ». Ceux qui veulent nous soutenir sont les bienvenus, et ceux qui ne le veulent pas, tant pis… mais on ne peut pas juste attendre que les choses se fassent, ou faire ce que les autres nous demandent ou nous financent pour faire…

Mon pire cauchemar est si un jour un de mes enfants, ou n’importe quel enfant dans le monde, vient me regarder en face, et me pose la question : « Qu’est-ce que vous avez fait pour que cela change ? Quel héritage vous nous avez laissé ? » Qu’elle sera ma réponse ? Quelle sera la vôtre ?